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              lumière crue dégringole du ciel, fait voler en éclat la pénombre 
              de la scène, rejaillit sur le front de la femme qui n'attendait 
              plus que cela pour que son chant s'élève. Ses doigts s'abattent 
              sur le piano : ébène et ivoire, touches noires et touches blanches, 
              transe africaine et harmonie européenne, c'est l'autre face du rêve 
              américain, la première utopie d'une musique universelle... La salle se fige, éblouie, 
              envoûtée. Les derniers strapontins se déplient en douceur. Comme 
              chaque soir, Liz Mc Comb a déjà gagné son pari. Dans quelques minutes, 
              le temps d'oublier sa stupeur, le public aura retrouvé son âme d'enfance, 
              il aura réappris à claquer des mains, à sourire sans retenue, à 
              pleurer sans amertume. La musique est là, elle s'écoule irrésistible, 
              comme un torrent ininterrompu de Jean-Sébastien Bach à Jimi Hendrix, 
              et elle emporte tout dans ce "Love Supreme" que célébrait 
              John Coltrane. Liz Mc Comb chante le Gospel 
              : pas le catéchisme, mais l'Evangile, la religion au sens propre 
              du terme, celle qui relie entre eux tous les êtres de la Création... Promus esclaves de Nouveau-Monde, 
              les enfants déracinés de l'Afrique ont insufflé au christianisme 
              toute la passion qui lui manquait depuis le Moyen-Age. Du blues 
              au rap, en passant par la "soul music", ce sont les spirituals 
              et les gospel songs qui ont forgé l'identité du peuple "africain-américain", 
              et préparé l'avènement du rock. Elvis Presley, Little Richard, Ray 
              Charles, Otis Redding, James Brown, Aretha Franklin, Sam Cooke, 
              Marvin Gaye, Prince et tant d'autres ont tous appris à chanter sur 
              les bancs des églises... Fille de pasteur, Liz Mc 
              Comb est une rock star malgré elle. En solo ou épaulée par son 
              énergique bassiste-guitariste Titus Williams, elle retrouve tour 
              à tour les accents pathétiques d'une Nina Simone et l'extase frénétique 
              d'une Tina Turner. Chacune de ses syllabes est une invitation à 
              la danse, dans ce qu'elle a de plus exalté. Pourtant, Liz ne se veut 
              qu'une "fidèle" parmi d'autres : fidèle à cette fillette 
              adorable, soliste dès l'âge de trois ans, qui savait si bien émouvoir 
              ses proches à l'Eglise Pentecôtiste de Cleveland. Son répertoire est aussi 
              personnel que traditionnel : à sa manière bien à elle, avec un goût 
              instinctif et très sûr, elle remodèle les "classiques" 
              du Gospel, ces cantiques sans âge et sans auteurs reconnus qui le 
              dimanche matin, font encore trépigner l'Amérique profonde. Car le Gospel est aujourd'hui, 
              à l'égal du rap et du country, la musique la plus vivante et la 
              plus populaire des Etats-Unis. Ses meilleurs disques se vendent 
              par millions, et l'Europe a encore tout à découvrir de ce fabuleux 
              patrimoine. Liz Mc Comb en est devenue 
              la meilleure ambassadrice, digne de celles qui l'ont précédée : 
              Sister Rosetta Tharpe, Mahalia Jackson, Marion Williams, Bessie 
              Griffin... Comme ces grandes aînées, Liz est un phénomène vocal, 
              une virtuose autodidacte dont la technique éblouissante est cependant 
              toujours transcendée par l'émotion. Cet album entièrement "live" 
              nous fait revivre sa dernière tournée européenne, qui l'a menée 
              du Théâtre des Champs Elysées à l'Opéra de Lyon en passant par une 
              apparition bouleversante au Midem. Quel que soit son public, 
              Liz s'adresse à lui comme s'il était la communauté familière de 
              sa petite église de l'Ohio. Chaque soir, le concert se déroule comme 
              une cérémonie immuable et imprévisible, un rituel ancestral quoiqu'aussi 
              moderne que n'importe quel concert de rock.. C'est une offrande 
              absolue, au delà du spectacle, et qu'importe si elle s'adresse à 
              Dieu ou au simple plaisir des sens, émerveillés par cette voix généreuse 
              et si authentique qu'elle semble venir du fond des âges, pour nous 
              emmener vers l'inoubliable. Gérald Arnaud
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