L'Orient-Le
Jour (30 décembre 1998)
Beyrouth / Assembly Hall
CONCERT
- A l'Assembly Hall
Liz McComb : diamant
sur veloursä
Une présence, une voix, un style. Rythmes d'enfer pour
dire le paradis. Par-delà le Bien et le Mal, cette voix
a tous les attraits d'un diamant sur velours ... Diamant qui
blesse sur fond de velours tendre. L'émotion est garantie.
Liz McComb est un vrai cadeau de NoÎl pour les mélomanes férus
de blues et de jazz. Quelques accords de piano, les pointes
d'une guitare sèche, le frémissement d'une basse et voilà que
le monde chavire ... D'où vient donc tant de beauté sonore ?
De ces rythmes, de ces mots, de cette musique lancinante et
syncopée qui parlent à l'’me et à l'esprit ? Avec Liz McComb
(dont on ne va plus égrener le glorieux parcours, car partout
où elle passe, elle accumule triomphes et tabacs) la musique
revêt tous les langages, toutes les intonations, toutes les
couleurs. Surtout la gamme du noir. Cette chanteuse
a le don de vous emmener très loin. Elle rugit, tempête,
supplie, claironne, marmonne, murmure. Liz McComb n'est
guère dans le "star system" facile et encore
moins dans le show-biz. Il y a là la force et la tendresse
d'une voix qui n'admet guère les compromissions ou la futilité.
Dieu est brusquement omniprésent, car on a affaire là à une
fervente croyante. Dame Liz a la foi ! Elle chante en
toute simplicité mais avec feu et sincérité l'histoire d'un
peuple (Césaire aurait applaudi à tout rompre pour cet émouvant
chant de la négritude), d'une épopée, d'une souffrance, d'un
espoir, d'une liberté...
Souffle
captivant que l'on écoute avec la ferveur et le recueillement
d'une prière. Pour chanter avec tant de conviction (et
de beauté) tout ce que Dieu nous a donné (ou retiré), il faut
vraiment avoir l'’me généreuse... Chacun de ses mots, de ses
vocables, de ses syllabes, de ses notes d'orgue est une caresse
troublante ou une menace tonnante. C’line ou toutes griffes
dehors, Liz McComb surprend, étonne, envoûte et séduit.
Elle n'est pas de celles qui chantent seulement pour plaire
mais elle se plaît à chanter pour mieux retrouver l'autre et
se retrouver. Sublime, épanouie, ardente, contrastée,
chaude et bouleversante, sa voix donne vie nouvelle à la tradition
"gospel" qu'elle magnifie et amplifie ici en
un somptueux cérémonial où se mélangent douceur et ’preté, soumission
et rébellion. Splendeur d'un récital vibrant comme un
souhait d'enfant, émouvant comme un serment d'amant. Aux
confins d'une atmosphère où la religion s'instaure imperceptiblement,
il y a là comme une veillée de fidèles dans un lieu sacré. Štat
de gr’ce d'une chanteuse qui, dès les premières notes, vous
emporte au c¶ur d'une communion où la complicité et la communication
deviennent brusquement superflues. Liz McComb chante la
"bonne nouvelle". Avec jubilation, sentiment
et gravité, jaillies de la pénombre des églises et des nefs
sentant l'encens, la parole et la voix de Liz McComb appartiennent
à la grande famille de ceux qui prêchent le "verbe."
dans la joie ... Mystiques ou fraternelles, ces chansons
sont bien des chansons d'amour. Séduire certes mais convertir
aussi. Admirable prêtresse du gospel, voix aux reflets
sombres et luisants d'une obsidienne, Liz McComb prend garde
de ne pas jeter un voile d'oubli sur les indélébiles blessures
de l'esclavage. Du tempérament à revendre, cette chanteuse
a tenu sous sa coupe, un public absolument médusé. Longue
"standing ovation" à tout rompre d'une
salle comble, au comble du bonheur ! Scandant " amen"
au milieu d'un auditoire délirant et en liesse, Liz McComb,
durant plus de deux heures de chant a fait de son escale beyrouthine
mieux qu'un triomphe.
Edgar DAVIDIAN
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