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Saint-Louis Jazz Festival
juin 1999
Extraits de presse
Un article de Lucien Ahonto
dans « L'Autre Afrique »
C'est à la grande chanteuse de gospel, blues et jazz Liz McComb qu'est revenu l'honneur de clôturer les festivités. Voix puissante et rauque, tour à tour chaude, suave et douloureuse, elle a électrisé la foule par la générosité de ses morceaux. Celle qui, très jeune, a assuré les
premières parties des concerts de James Brown et Ray Charles, envoûte le public avec la même intensité que certaines grandes voix de soul ou de rock comme Aretha Franklin, Tina Turner...
Cette dame, de plus, a l'immense qualité de rester d'une rare simplicité. Un bonheur dans un milieu qui a parfois tendance à jouer les importants.
Lucien Ahonto, L'autre Afrique
Le Festival de jazz de Saint-Louis
du Sénégal,
un article
de Serge Baudot
dans « Jazz Hot »
(n° 592, juillet-août 1999).
Faidherbe, Mermoz, l'aéropostale et l'Hôtel de la Poste, Coup de Torchon de Bertrand Tavernier... la pénétration française en Afrique en 1650, le fleuve Sénégal.
Qu'est-ce qui relie les pièces de cet inventaire? Vous y êtes: Saint-Louis du Sénégal où se déroulait, du 12 au 15 mai, un beau et important 7e festival, important pour l'avenir du jazz en Afrique. Avec un « In » rassemblant les « grandes pointures »
et un « off » qui donne sa chance aux groupes locaux ou en devenir.
Marie-Madeleine Diallo, la Présidente. Pierre Tissot, le directeur du Centre culturel français, et leurs équipes om concocté cette année un festival digne de ceux auxquels on peut assister sur les autres continents. Rien n'a été négligé pour animer et promouvoir la ville, faire participer les habitants. C'est ainsi que sur la place Faidherbe, jouxtant le lieu du « In », s'étalait une foire artisanale colorée, qu'il y avait des expositions d'artistes sénégalais (dont les célèbres peintures sur verre), un festival de lutte traditionnelle sénégalaise, le jeu du faux lion, des concerts dans les quartiers, des boeufs dans les boîtes, les hôtels et les cafés de la ville, ainsi qu'au quai des Arts qui devrait devenir le lieu majeur dans le futur, une comédie musicale, Sidi, l'odyssée du jazz, de Roselyne D'Aquino et Babacar Faye, jouée par des jeunes de l'école N'Diawar Sarr et racontant comment sont nés le blues et le jazz des esclaves vendus aux Etats-Unis. Bref de la musique 24h sur 24h, et on stage de formation de techniciens son, lumière et régie, très important pour le pays. Le off (gratuit) se tenait au bord du fleuve, sur le quai Henri Jay, où venait se promener une fort nombreuse et nonchalante jeunesse saint-louisienne qui découvrait ainsi des musiques inhabituelles pour elle dont Jive Elephant (France) un groupe assez funk qui a beaucoup plu, Jean-Paul Faye (tp, clav. voc) de Saint-Louis pour une musique mélodique et répétitive sur des rythmes africains. Liz McComb, emportée par cette musique, s'est jointe au groupe Braoun Jazz Quartet de Saint-Louis avec le saxophoniste belge Bernie pour une prestation teintée bebop, Zweet Van Got (La sueur de Dieu) cinq Hollandais sauteurs qui pratiquent des ruptures de rythmes alternant binaire et ternaire dans une mosaïque d'inspirations, avec sincérité et pêche; Vieux Mac Faye de Dakar: il est le bluesman du Sénégal, chantant en anglais, en ouolof et en français une sorte de blues inspiré du mbalax très prisé au Sénégal Waflash de Thiès assez variété sénégalaise Kabwa (Suisse) groupe de fusion avec un incroyable vocaliste qui surprit le public avec un chant inspiré de la tradition mongole et on joueur de kora électrifiée qui arrive à faire swinguer et à phraser jazz sur cet instrument de la tradition africaine : Opus Jazz Quartet (Dakar) avec des musiciens du Cap Vert, du Sénégal, des Caraïbes et de France, unis dans la volonté de mélanger leurs racines.
Quant au In (payant) sur la place Faidherbe, il présentait on beau plateau. Le 12, le quartet d'Olivier Temime (s), qui pourrait être le fils spirituel de Johnny Griffin, avec Laurent Fickelson (p), Gilles Naturel (b), François Ricard (dm). Temime emmène son quartet dans un feu hard bop. Pour la deuxième partie s'y ajoutèrent des musiciens africains, création résultant d'une résidence avec Kayou (s) du Cameroun ainsi que Joseph Ebode (synth), Robert Ateba (g) et Jean Abanda (dm). Musique flamboyante avec une belle réussite sur «Afro Blues» de Mongo Santamaria. Pour le troisième volet de cette création vinrent les rejoindre M'Baye (perc), P.S. Diop (tala) Aida Mbaye (voc) et celle qui est considérée comme la grande cantatrice sénégalaise, Yande Codou Sene, voix magnifique, bouleversante dans l'hommage à Léopold Sedar Senghor. Ensuite, ce fut le tour de la nouvelle coqueluche de l'Afrique, Femi Anikulapo Kuti & The Positive Force (15 musiciens). Femi est le fils du mythique Fela. C'est un excellent saxophoniste, un Gato Barbieri de l'alto, qui poursuit l'oeuvre de son père tout en jouant sur on territoire musical plus jazz, parfois latin : musique du corps, avec une section de cuivres et des percussions brûlantes, des chants lancinants, des danses incendiaires, des costumes bigarrés. Femi est également un militant de l'unité africaine. Il ambitionne de devenir, comme son père, on symbole de sa cause.
Le 13 mai, le POM avec Andy Emler (p), François Jeanneau (s), Philippe Macé (vb), Francis Lassus (dm) et Linley Marthe, bassiste étonnant de lyrisme et de virtuosité donna un remarquable concert dans la ligne des Joe Zawinul/Wayne Shorter. Ensuite, c'était Elvin Jones et sa Jazz Machine avec Carlos McKinney (p) étonnant de puissance et de musicalité, Greg Williams (b) toujours déconcertant mais d'une absolue présence, et deux saxophonistes qui contrastaient : Antoine Roney (is). la déchirure. et Ari Brown serein et lyrique venant de la tradition Hawkins-Webster. Inutile de dire que Maître Elvin rayonnait et fut grandiose pour son premier séjour en Afrique.
Le 14 mai. Pour Sigi Finkel (s) & African Heart avec les frères M'Boup (voc, perc.), Pan Gohshall (tb), le plus intéressant fut les six percussionnistes sénégalais qui jouent dans leur tradition. C'est un collage dans lequel la colle fait défaut. Didier Lockwood Quartet avec Benoit Sourisse (p), M. Le Bevillon (b) et un André Charlier (dm) déchaîné, donnèrent on grand concert avec une maîtrise absolue qui sait se faire oublier au profit du plaisir. Les musiciens avaient la grâce, le public leur a fait un triomphe.
Le 15 mai, pour le concert de clôture, Fabrice Alleman (ts, ss), avec Jean-Louis Rassinfosse. basse puissante et mélodique au feeling émouvant, Michel Herr (p) et Mimi Verderame (dm), ont été parfaits pour une musique très équilibrée où se mêlaient nuances et énergie. Fabrice Alleman connait ses classiques : Rollins et Coltrane et a fait preuve d'une belle inspiration. Ensuite, apparut la vedette attendue, Liz McComb. La diva du gospel se donna corps et âme. avec une générosité encore plus grande que d'habitude tant elle était émue de se trouver pour la première fois sur la terre de ses lointains ancêtres. Elle se fit accompagner notamment par Braoun, en qui elle trouva un frère de musique, puis elle fit venir sur la scène un chanteur aveugle de Saint-Louis, Papillon,(Pape Ndiaye) digne émule de Ray Charles, et Limon, on extraordinaire joueur de tambour, un enfant qu'elle avait entendu au marché. Le festival se termina ainsi dans le partage et la fête, la foule debout, dans une communion intercontinentale à la fois émouvante et joyeuse.
Le festival de Saint-Louis, l'événement culturel de l'année, a vu défiler quelque 15 à 20 000 personnes dans ses différents concerts. Parvenu à maturité, il se situe au niveau des grands festivals du monde. Il faut lui souhaiter de continuer à se développer en préservant l'originalité du continent africain où tout est musique.
Serge Baudot / JAZZHOT
Pierre Tissot, directeur du Centre culturel Français
« Je voudrais maintenant être plus un conseiller qu'un acteur. Nous faisons tout pour que les Sénégalais et plus particulièrement les Saint-Louisiens prennent les choses en mains et que ce festival soit absolument leur affaire. Ensemble nous allons essayer de poursuivre et développer l'action auprès des jeunes et aussi de favoriser des ateliers et des résidences afin de créer une école, ou un conservatoire de jazz - je ne sais encore comment on l'appellera avec l'aide des Etats et des partenaires locaux. il faut que Saint-Louis soit véritablement la capitale du jazz en Afrique. »
Monsieur Abdullah Eliman Kan, Ministre de la Culture du Sénégal, et amateur de jazz averti, présidait le concert de clôture:
« Nous voulons renouer avec le passé musical qui avait marqué la vie de Saint-Louis où dès le début, il y avait des groupes qui jouaient du jazz. Cette musique a toujours fasciné les Sénégalais. C'est à Saint-Louis que l'Occident a pénétré en Afrique en 1650, c'est à Saint-Louis que le jazz revient. Ici, le passé, l'architecture Nouvelle-Orléans jouent un rôle. Nous allons tout faire pour développer ce festival et faire que Saint-Louis devienne la capitale du jazz en Afrique. »