LE PROGRES,
28 juin 1999 JAZZ A VIENNE
LE FEELING AUTHENTIQUE
DE LIZ MC COMB
A Vienne d'abord,
puis à l'Opéra de Lyon, à Fourvière ou à la Halle Tony-Garnier,
Liz a su capter chaque fibre de notre faculté d'émotion. Elle
sera à Vienne le 4 juillet à la cathédrale Saint-Maurice. En
avant-première, rencontre avec cette grande voix du gospel.
Quelles sont vos
influences ?
Comme tous
les Noirs américains, ma première influence est l'Eglise. C'est
là où commence la bataille contre le racisme engagé par Martin
Luther King. C'est un espace d'échange religieux et culturel
précieux.
Comment expliquez-vous
le regain de popularité du gospel en France ?
Depuis la
première fois où j'ai été invité par Jean-Paul Bouteiller (en
1983), les choses ont bien changé. C'est vrai, il y a actuellement
un phénomène de mode. Vous savez, le gospel est une musique
populaire, joyeuse, simple. Les gens cherchent à être bien et
heureux. Comme le blues et le jazz, le gospel est une musique
de la vie et d'expérience. Le rythme et le feeling sont les
mêmes que dans " Song for my father " ou " Betches
Brew " sauf que les textes parlent de Dieu. Et en Europe
comme aux Etats-Unis, c'est le même engouement.
Y a-t-il une évolution
de la musique gospel ?
Oui, il y
a du gospel contemporain. Beaucoup de groupes vocaux comme "
Take 6 " pratiquent un jazz lyrique avec des textes très
" spirituals ", il n'y a pas de frontières entre le
blues, le jazz. Quanf BB King chante " Oh ! Baby ",
en gospel on dit " Oh ! Jesus ! ". C'est pareil !
La musique doit avant tout être joyeuse.
Vous chantez de plus
en plus sur des grandes scènes. Est-ce que la proximité du public
vous manque ?
A l'église,
j'ai chanté la " Passion ". Je suis quelqu'un de passionné,
d'authentique ! Je ne me comporte pas comme une femme du show
business. J'ai la même attitude dans une église, sur scène,
dans un bar. Je swingue avec le même feeling. Je suis une artiste
d'humeur égale.
A Vienne, vous serez
présente à deux reprises ?
C'est une
grande tradition, je serai présente à la cathédrale Saint-Maurice.
J'interviendrai sur trois ou quatre morceaux en accord avec
le prêtre de la paroisse. Je veux respecter la cérémonie française.
Vous vendez de plus
en plus d'albums. Est-ce que cela a changé l'esprit de votre
démarche musicale ?
Ca marche
en effet. Je continue ma recherche. Je suis curieuse de toutes
les musiques : chinoises, classiques... je ne suis pas bornée.
J'expérimente des métissages avec le gospel en restant le plus
authentique possible.
Que racontent vos
textes personnels ?
Je parle de
dieu bien entendu, mais aussi d'esprit positif, de loi. Je crois
en Dieu mais aussi dans l'Humanité. Par exemple lorsque je suis
allée en Afrique, j'ai rencontré une famille dans le plus grand
dénuement. Je n'ai pas été choquée. Ma mère était missionnaire,
elle nous a appris à côtoyer la pauvreté au quotidien. Toutefois
je ne peux être une chrétienne en restant passive devant la
misère. En tant que pratiquante, je dois agir en toute circonstance
car je pense que Dieu est présent dans tous les individus, les
animaux et les plantes.
Un de vos derniers
disques s'intitule : " Time is Now ", qu'entendez-vous
par là ?
Qu'il est
temps de changer la vie pour moins de stress. Nous vivons à
l'ère de l'ordinateur, tout va tellement vite que tout nous
échappe. Tout est immédiat. Les gens sont pressés, physiques,
impulsifs, il faut retrouver nos énergies fondamentales pour
réfléchir. Nos grands-parents savaient apprécier les plaisirs
de la table, les voisins. Nous devons prier et partager de nouveau
ensemble.
Pensez-vous que la
musique " live " est plus authentique que celle enregistrée
en studio ?
Ca dépend
du moment, il faut trouver la bonne balance. Vous pouvez développer
votre créativité en studio. En revanche, sur scène c'est comme
au thé’tre. Vous êtes dans un corps à corps permanent avec le
public qui me plaît beaucoup. Jadis les musiciens et chanteurs
comme Parker, Billie ne faisaient qu'une seule prise collective
en studio. Maintenant on est capable de pré-fabriquer des artistes
qui ne valent rien sur scène. Il vaut mieux mouiller sa chemise
qu'être dans la sciure.
En interprétant des
compositions pop, ne croyez-vous pas faire le jeu du star system
?
Elles sont
peut être victimes de leur compagnie. Mais n'oubliez pas que
toute la musique vient de Broadway. Le public aimait Cole porter,
Gershwin. Lorsque Ella Fitzgerald chantait des airs populaires
de sa voix exceptionnelle, tout le monde était sous le charme.
Il en est de même quand Diane Reeves revisite les hits de Prince
ou Peter Gabriel. Je suis convaincue qu'elle est une artiste
intègre.
Propos recueillis
par Frédéric Bruckert
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